Les experts suisses à la chasse au smog en Chine

Source: Yang Xudong (traduit du chinois) – Swissinfo – 16 octobre 2014

189286405-jpg
Le masque n’est pas la solution pour lutter contre les particules fines en suspension dans l’air. (Keystone)

 

Les alertes au smog de l’hiver 2013 ont rappelé l’urgence du problème de la pollution de l’air en Chine. Pour mieux traquer et éliminer à la source les particules fines qui empoisonnent littéralement les Chinois, ceux-ci ont fait appel à la collaboration internationale. Les Suisses sont en première ligne. 

Cet hiver-là, un brouillard gris-brun obscurcit à plusieurs reprises le ciel de quelques provinces chinoises. Dans les métropoles comme Beijing, Shanghai et Canton, la visibilité est devenue nulle. Avec ironie, mais non sans inquiétude, les réseaux sociaux inventent le terme d’«airpocalypse». Dirigée conjointement par l’Institut Paul Scherrer (PSI) de Villigen, en Argovie et par l’Institut de l’environnement terrestre de l’Académie Chinoise des Sciences, une équipe d’experts internationaux s’est penchée sur les sources des particules en suspension dans l’air et sur les moyens de les maîtriser. Les résultats de ces recherches ont été publiés en septembre 2014 dans la revue scientifique de référence «Nature».

Mesures d’urgence

La pollution par les particules fines est un problème différent de celui du réchauffement climatique. Le CO2, responsable de l’effet de serre, demeure très longtemps dans l’air tandis que les particules en suspension n’y restent qu’une ou deux semaines. Selon André Prévôt, spécialiste de la chimie des aérosols au PSI, «avec des mesures efficaces, il ne faudrait que 10 à 20 ans pour améliorer considérablement la qualité de l’air». En attendant, le gouvernement chinois prend des mesures d’urgence les jours de smog: les écoles sont fermées, les habitants sont priés de rester à la maison et les chantiers sont arrosés d’eau pour que la poussière ne s’envole pas. Malgré cela, les cas de maladies respiratoires signalés aux hôpitaux montent en flèche.

Les masques de protection, qui se vendent très bien durant ces périodes, sont-ils réellement efficaces? «C’est évidemment mieux que rien, répond le spécialiste. Mais il laisse passer les particules les plus fines et, de toute façon, ce n’est pas la solution pour lutter contre le problème de santé publique que causent ces pollutions».

Le gouvernement chinois a fixé son plan de prévention de la pollution atmosphérique. Son objectif: réduire d’ici à 2017 la concentration des particules fines de 25% par rapport au niveau de 2012. Mais d’où viennent ces particules? Pendant deux ans, sous la conduite du docteur Ru-Jin Huang du PSI, les chercheurs suisses et chinois ont examiné leurs origines et leur composition chimique à Beijing, Shanghaï, Canton et Xi’an.

La faute au charbon… et aux autres

Jusqu’aux trois quarts de ces particules se forment par réactions chimiques dans l’atmosphère elle-même, à partir de «précurseurs gazeux» émis dans l’air. Il s’agit avant tout de dioxyde de soufre (produit par la combustion du charbon), d’oxyde d’azote (émis par les véhicules et les centrales électriques), d’ammoniaque et de certains composés organiques volatils.

Quant aux particules émises directement dans l’air, elles proviennent principalement du charbon (qui dégage aussi des hydrocarbures aromatiques polycycliques et des métaux lourds comme l’arsenic et le plomb) et des chauffages à bois.

Ainsi, les scientifiques recommandent de contrôler strictement les émissions de précurseurs gazeux. S’agissant du principal d’entre eux, le dioxyde de soufre, la Chine a fait quelques progrès. Depuis 2006, grâce aux technologies de désoufrage des gaz dans les centrales à charbon, son taux dans l’air a diminué. Mais hélas, dans le même temps, la densité des oxydes d’azote n’a pas cessé d’augmenter, à cause du trafic routier, des centrales électriques et de lacunes dans l’application de la réglementation en vigueur.

Les chercheurs affirment néanmoins que le plus urgent est de prendre des mesures contre l’émission des composés organiques volatils, un problème qui n’a pas retenu suffisamment d’attention jusqu’ici. Il s’agirait par exemple d’utiliser des chauffages plus performants et de mettre en œuvre des mesures plus efficaces pour réduire les émissions des véhicules.

«A part cela, il est aussi nécessaire d’améliorer l’isolation des immeubles, afin de diminuer la consommation d’énergie consacrée au chauffage hivernal. Et pas seulement dans les villes», ajoute André Prévôt .
A noter encore que cette recherche a permis de développer de nouveaux outils de récolte et d’analyse des particules à faible coût, qui seront bien utiles dans d’autres pays en transition ou en développement. Car il n’y a hélas pas qu’en Chine que l’air est gravement pollué.