Bombay, New York et Shangaï … sous les eaux

+3 °C: portrait d’une planète en surchauffe (3)

Source: Michel de Pracontal – Mediapart – 11 novembre 2015

L’objectif affiché de la COP21 est de maintenir la température globale de la planète à un maximum de +2 °C par rapport à la moyenne pré-industrielle. On en est loin. Si l’on s’en tient aux annonces des États, on se dirige vers +3 °C, ou plus. À ce niveau, les conséquences seront catastrophiques.

À l’échelle planétaire, l’effet le plus sensible du réchauffement est la montée du niveau des océans. Elle résulte de la dilatation de l’eau due à la chaleur, ainsi que de la fonte des glaciers et des calottes polaires du Groenland et de l’Antarctique. Une étude qui vient d’être publiée par Climate Central, groupe de scientifiques installé à Princeton (New Jersey), montre qu’un réchauffement de 3 °C ferait monter le niveau des océans de 6,4 mètres, et un scénario à 4 °C entraînerait une hausse de près de 9 mètres, engloutissant des territoires qui abritent aujourd’hui 600 millions de personnes, dont les trois quarts en Asie.

De grandes villes côtières comme Bombay, Calcutta, Djakarta, Hanoï, Hong Kong, New York ou Shanghai pourraient être noyées d’ici deux ou plusieurs siècles.

En contenant le réchauffement à 2 °C , on n’éliminerait pas le risque mais on le réduirait très fortement : la montée des eaux serait de 4,7 mètres, menaçant l’habitat actuel de 280 millions de personnes. La Chine, le pays le plus exposé, compte aujourd’hui 145 millions de citoyens dont l’habitat serait menacé par un réchauffement de 4 °C ; avec 2 °C, le chiffre descendrait à 64 millions.

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Londres après un réchauffement de 4 °C (à gauche) ou de 2 °C (faire glisser l’index rouge) © Climate Central

Pour l’Inde, le Bangladesh, le Viêtnam, l’Indonésie, le Japon, les États-Unis, les Philippines ou l’Égypte, un scénario à 2 °C aboutirait à diminuer de 10 millions le nombre d’habitants vivant dans une région menacée par les eaux.

« Il y a un monde de différence entre un scénario à 2 °C et un à 4 °C, résume pour l’AFP Benjamin Strauss, premier auteur du rapport de Climate Central. Limiter le réchauffement à 2 °C épargnerait beaucoup de dommages à la Chine et à d’autres nations. »

Strauss et ses collègues ne donnent pas de prévisions précises sur le délai au bout duquel les océans vont s’élever : New York et Shanghai pourraient être englouties d’ici 2200, mais plus probablement dans 2000 ans. La raison de cette grande incertitude temporelle est que, si l’on peut évaluer assez précisément quelle quantité de glace va fondre, il est beaucoup plus difficile de prévoir le temps qu’elle va mettre à le faire.

Dans un scénario catastrophe publié en juillet dernier (voir notre article), James Hansen et plusieurs co-auteurs pronostiquaient une hausse du niveau des mers pouvant atteindre plusieurs mètres dès 2100, beaucoup plus que ce qu’anticipent la plupart des scientifiques. New York et Shanghai seraient alors noyées dès la fin de ce siècle. Mais les hypothèses de Hansen sont jugées excessivement pessimistes par d’autres chercheurs. Une étude publiée en 2014 par Robert Kopp, de l’université Rutgers, sur laquelle s’appuient Strauss et ses collègues, donne un pronostic plus modéré : avec un fort réchauffement, l’élévation du niveau des océans a 99,5 % de chances d’être inférieure à 1,80 mètre en 2100, et la même probabilité d’être en dessous de 6,3 mètres en 2200.

Strauss et ses collègues insistent sur le fait que même si l’effet ultime de la montée des eaux se manifeste dans un futur relativement éloigné, il est déterminé par des actions à court terme. Le sort des mégalopoles côtières dans les siècles à venir se décide aujourd’hui et dans le proche avenir.

À l’échelle de ce siècle, la hausse du niveau des mers menace les régions côtières peu élevées et fortement peuplées, comme les grands deltas (Gange, Mékong, Nil). D’ici 2050, une élévation de 30 cm de l’océan dans le delta du Mékong va provoquer une intrusion d’eau saline. À l’horizon 2100, l’habitat de millions de personnes sera remis en cause par la montée des eaux.

Certaines de ces régions sont en partie protégées par des récifs coralliens ou des mangroves, que le réchauffement tend à faire disparaître. Les récifs coralliens risquent d’être atteints en Micronésie, Papouasie-Nouvelle-Guinée, en Australie ou en Inde équatoriale.

Du fait de l’afflux de population dans les régions côtières et de la hausse du niveau des océans, la fraction de la population exposée au risque d’inondation augmente. Si le réchauffement dépasse 2 °C en 2100, jusqu’à 4,6 % de la population mondiale pourrait être exposée chaque année à des inondations, selon une étude de 2014 dirigée par Jochen Hinkel (Global Climate Forum, Berlin). Cette étude s’appuie, pour l’élévation du niveau des mers, sur les estimations du Giec, qui sont prudentes du fait que l’on mesure mal l’impact de la fonte des glaces.