Le monde inhumain de l’application généralisée
Source: Blog de Pierre avril – 13 octobre 2014
Nos regards sont bouchés ; quels que soient les endroits de garantie de la loi commune vers lesquels on se dirige, une inexorable évolution en forme de bulldozer balaie tout sur son passage, ignore souverainement toute opposition avec ce dédain de considérer l’opposition non pas comme un refus, comme une affirmation, mais comme la composante du problème à résoudre.
Totalitaristes doux, les tenants de la pensée unique dénient à l’autre une possibilité d’acteur au nom de leur nécessité qui devient la nécessité. La nécessité s’appelle concurrence déséquilibrée et parfaitement faussée, marge de profits, haine du collectif.
• Au plan mondial, un retour des barbaries et des affaires juteuses multiplient les aires de génocide. Les États puissants composent un mélange savant de principe verbeux et de commerce répugnant. Les techniques de communication leur autorisent la chute vertigineuse du chat qui retombe toujours sur ses pattes. Un tour de passe-passe les dédouane de leurs responsabilités passées et présentes, les fait apparaitre mystérieusement comme des sortes de créatures éthérées, pures, glapissant la liberté comme un os à ronger. Libye, Syrie, Irak, dictatures ou chaos sans fin, telle est la question
• Au plan européen, les dénis de démocratie, les ignorances des votes populaires ont accouché d’un monstre arbitraire dont la légitimité, si on prend le temps de la contempler, s’avère plus que douteuse. Ce monstre se nourrit de cupidité, de clientélisme, de copinage. Il souffre également d’une pathologie difficile à traiter, une violence très peu contenue qui vise à peindre l’Europe à sa folie de réduction des déficits publics, à ses accords de libre escroquerie.
… Un peu partout tout en poursuivant une politique indécente de régression sociale, les gouvernements redécoupent à la hache des lois pour les adapter à une réalité strictement productiviste pour les riches et famélique pour les pauvres. (texte de transition)
… La fragilité est telle que les chiens de garde libéraux utilisent un argument d’évidence : la démocratie est instable, elle ne fait pas toujours les bons choix, elle peut être irrationnelle et coûteuse. Mais, c’est précisément ce postulat qui constitue le fondement démocratique. On se rappelle les dépendances coupables au droit divin et au droit du plus fort. On peut en effet trouver des exemples particulièrement scabreux ou l’arbitraire ne coute pas cher. L’arbitraire ne coute pas cher parce qu’il ne s’emmerde pas de discussions et de nuance, au mieux, il ignore, au pire, il détruit le problème à résoudre. J’aime à cher payer la solidarité. La focalisation sur le cout du travail, du chômage, de la santé et de la vie est un signe des temps. Focaliser en forme d’obsession, l’obligation d’économie vers le champ social et le lien traduit au mieux la folie technocratique.
Leurs portevoix n’interrogent jamais la répartition des richesses, la constitution des profits, la dérèglementation généralisée et n’évoquent jamais qu’on peut réussir l’équilibre budgétaire avec dix millions de personnes qui crèvent la misère, la réduction des déficits avec des malades déjà morts avant d’accéder aux soins, et une révision des salaires qui empêchent tout simplement de survivre.
La technocratie est une passion triste : elle rêve piteusement le futur, en l’enfermant dans un discours de boutiquier. Elle fait son rapiat en promulguant normes, procédures, évaluation. Elle rêve d’un quotidien mort ou les dépenses du lien social tendraient à diminuer pour augmenter proportionnellement les profits des nouvelles entreprises du conditionnement social. La technocratie a choisi l’extinction du débat public pour atteindre l’orgasme décevant de la rationalité introuvable.
C’est inquiétant, mais beaucoup de citoyens ont déjà admis cette évolution, à travers une abstention massive, une façon de dire que le jeu se fait sans eux.
…
Dans les médias, cette évolution éclate quand les politiques font les clowns et que les experts viennent dire le vrai dans les commentaires. Le commentaire triomphe, le débat amuse. Voilà, c’est fait, le vote devient un accessoire de musée puisqu’il est taxé de rétrograde et d’archaïque. On nous fait à l’idée que nos paroles et nos débats sont stériles, improductifs et vraiment trop dépensiers. Soyons raisonnables, la technocratie nous fournit les sacs en plastique que nous pourrons mettre sur nos visages, avec la satisfaction du devoir accompli.
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