+3 °C: portrait d’une planète en surchauffe (6)
Source: Michel de Pracontal – Mediapart – 11 novembre 2015
L’objectif affiché de la COP21 est de maintenir la température globale de la planète à un maximum de +2 °C par rapport à la moyenne pré-industrielle. On en est loin. Si l’on s’en tient aux annonces des États, on se dirige vers +3 °C, ou plus. À ce niveau, les conséquences seront catastrophiques.
En juin 2015, des scientifiques ont lancé un cri d’alarme : la Terre serait en train de perdre ses animaux à grande vitesse et de connaître une sixième extinction de masse, après les cinq qu’elle a déjà subies au cours des temps géologiques (voir notre article).
Le changement climatique modifie les habitats des espèces animales et végétales, qui doivent s’adapter à des climats plus chauds. Les animaux peuvent aussi se déplacer pour trouver d’autres habitats qui leur conviennent mieux. Mais plus le réchauffement est important, plus l’adaptation est difficile, et plus les possibilités de nouveaux habitats se restreignent.
De plus, la présence humaine installe dans le paysage des barrières qui gênent ou empêchent les déplacements et limitent les espaces sauvages, ce qui réduit aussi les possibilités de migration des espèces.
D’ores et déjà, les aires de répartition de nombreuses espèces se sont modifiées, avec une tendance globale à se déplacer de l’équateur vers les pôles ou des plaines vers les hauteurs. Une étude de l’université d’York, en 2011, a ainsi démontré que de nombreuses espèces animales et végétales se sont déplacées à un rythme rapide: les aires de répartition ont en moyenne gagné 11 mètres d’altitude tous les dix ans, et se sont décalées vers le nord de 17 kilomètres également par décennie.

De plus, l’étude montre que les espèces se déplacent d’autant plus qu’elles sont exposées à un fort réchauffement, les décalages reflétant la hausse de température.
Cependant, l’adaptation et les déplacements ont une limite. À terme, le changement climatique menace la survie des espèces, et le risque augmente avec l’intensité du réchauffement. Environ 20 à 30% des espèces animales ou végétales courraient un risque plus élevé d’extinction si le réchauffement global dépassait 2 ou 3 °C, estimaient en 2007 les experts du Giec. En 2013, une étude de Rachel Warren, de l’université d’East Anglia (Royaume-Uni) a confirmé que l’intensité du réchauffement a un fort impact sur la biodiversité et les risques pour les espèces vivantes.
Selon Rachel Warren, dans un scénario où le réchauffement atteindrait 4° C à la fin du siècle, 57% des plantes et 34% des animaux perdraient la moitié de leur aire de répartition d’ici 2080. Les plus menacés sont les plantes, les reptiles et les amphibiens, ou batraciens (crapauds, grenouilles et salamandres), qui peuvent moins facilement trouver de nouveaux habitats. L’étude confirme des observations antérieures selon lesquelles les amphibiens sont le groupe le plus en danger du fait changement climatique. Une espèce d’amphibiens sur deux perd la moitié de son aire de distribution.
L’étude de Rachel Warren montre aussi qu’un réchauffement limité à 2 °C réduirait considérablement le risque pour les espèces : environ trois fois moins d’animaux et deux fois moins de plantes verraient leur territoire amputé de moitié.
La conséquence ultime de la réduction des habitats accessibles à une espèce est la disparition de cette espèce. Selon un article récent de Mark Urban, spécialiste d’écologie à l’université du Connecticut, le risque global d’extinction touche actuellement 2,8 % des espèces ; en 2100, il passera à 5,2 % si l’on respecte la limite de 2 °C ; un réchauffement de 3 °C entraînerait un risque d’extinction pour 8,5 % des espèces ; si l’on suit la trajectoire « business as usual », une espèce sur six se trouverait menacée d’extinction par un réchauffement dépassant 4 °C.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.