+3 °C: portrait d’une planète en surchauffe (10)
Source: Michel de Pracontal – Mediapart – 11 novembre 2015
L’objectif affiché de la COP21 est de maintenir la température globale de la planète à un maximum de +2 °C par rapport à la moyenne pré-industrielle. On en est loin. Si l’on s’en tient aux annonces des États, on se dirige vers +3 °C, ou plus. À ce niveau, les conséquences seront catastrophiques.
Le changement climatique est planétaire, mais il n’affecte pas tous les pays de la même manière. Il touche plus durement les pays les plus pauvres, accentue le déséquilibre Nord-Sud, creuse les inégalités et crée de nouvelles poches de pauvreté. C’est ce que démontre le deuxième volet du cinquième rapport du Giec, publié en avril 2014 (voir notre article).
Géographiquement, la majorité des impacts graves sont prévus dans les zones urbaines et certaines zones rurales d’Afrique sub-saharienne et d’Asie du Sud-Est. Deux types de régions sont particulièrement touchées par les effets du réchauffement : celles, surtout en Asie, où d’importantes populations résident à une altitude peu élevée et sont menacées par la hausse du niveau de la mer ; et celles, principalement situées en Afrique, où sévit la sécheresse, dont les effets s’accentuent du fait de vagues de chaleur plus longues et plus fréquentes. À l’échelle planétaire, ce sont surtout les zones tropicales et l’hémisphère Sud qui sont touchés, tandis que les pays du Nord, déjà favorisés, peuvent bénéficier de certains effets positifs du changement climatique.
Ainsi, les mouvements d’espèces marines favorisent le Nord : « Le zooplancton et les poissons se déplacent vers le nord pour trouver des eaux plus fraîches, ce qui réduit la biodiversité dans les zones tropicales, qui ont les eaux les plus chaudes, explique Jean-Pierre Gattuso. À l’inverse, l’effet est positif pour les zones tempérées, qui voient leur biodiversité s’accroître. On trouve des poissons-perroquets à La Rochelle, alors qu’ils vivent normalement sous les tropiques. Cela signifie que les ressources disponibles pour la pêche augmentent au nord et diminuent au sud. On prévoit des pertes de 40 à 60 % pour la pêche sous les tropiques et dans l’océan Austral, et des gains de 30 à 70 % en plus dans la région qui borde l’Arctique. »
Les sécheresses qui vont affecter durement l’Afrique sub-saharienne et l’Asie du Sud-Est entraînent des risques plus faibles pour l’Amérique du Nord, l’Europe, l’Asie de l’est, la Russie et l’Australie. Des scénarios montrent même que dans certaines régions tempérées ou froides, notamment en Sibérie, les rendements des cultures pourraient augmenter.
Selon le Giec, sur les vingt pays ou régions les plus exposés à la menace climatique, sept ont des revenus faibles (Bangladesh, Éthiopie, Kenya, Madagascar, Mozambique, Somalie et Zimbabwe) ; huit ont des revenus faibles ou moyens (Bolivie, Djibouti, Honduras, Inde, Philippines, Sri Lanka, Viêtnam et Zambie) ; quatre sont dans la catégorie moyenne-haute (Chine, Colombie, Cuba, Thaïlande) ; un seul, Hong Kong, figure parmi les pays à haut revenu.
Plus le réchauffement et ses effets s’amplifieront, plus ces déséquilibres s’accentueront.
Dans une déclaration de 2013, le président de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, affirmait qu’un réchauffement de 4 °C pourrait « entraîner des dizaines de millions de personnes de plus dans la pauvreté ». Il observait aussi que même avec un réchauffement plus modéré, « les pauvres seront frappés les premiers et le plus fort ». Et d’ajouter : « Cela signifie que les personnes qui sont le moins responsables de l’élévation de la température de la Terre vont en subir les plus graves conséquences. C’est fondamentalement injuste. »