Source: Wikipédia (Extrait)
Un monothéisme (du grec μονός [monos], « seul, unique » et θεός [theos], « dieu ») est une religion qui affirme l’existence d’un Dieu unique et la transcendance de Dieu, créateur du monde.
Quand une religion conçoit une divinité nationale1 comme simplement supérieure à d’autres, on parle plutôt de « monolâtrie » ou d’« hénothéisme », termes de création récente, types de polythéisme.
Le terme de « monothéisme » est de création relativement récente même s’il peut aujourd’hui sembler aller de soi, pour un concept qui demeure « difficile à penser ».
Le terme de « polythéisme » apparaît pour la première fois au ier siècle chez le philosophe juif Philon d’Alexandrie pour marquer la différence entre le message biblique et la doxa polutheia (opinion majoritaire dans la cité) des Grecs. Le terme « monothéisme », lui-même, apparait vraisemblablement au xviie siècle pour désigner deux concepts qui se comprennent de deux manières opposées. Certains commentateurs l’utilisent alors pour qualifier le judaïsme et le christianisme et ainsi affirmer la supériorité morale et spirituelle spécifique de ces religions vis-à-vis des autres croyances antiques, de manière exclusive. Mais dans les milieux déistes, il désigne la religion universelle de l’humanité dans une acception inclusive qui considère que tous les hommes vénèrent une même divinité sans le savoir.
Cet antagonisme inclusif/exclusif de la notion de monothéisme se trouve déjà dans les textes bibliques. Ces textes, s’ils doivent être lus avec raison comme des documents monothéistes, n’en sont pas moins porteurs des traces de polythéismes intégrés par leurs rédacteurs qui empêchent d’opposer polythéisme et monothéisme de façon manichéenne comme ce fut longtemps la norme, suivant la radicalisation de l’opposition au polythéisme des trois religions du Livre.
L’idée du Dieu unique
Pour Mireille Hadas-Lebel, l’idée du Dieu unique, à la fois créateur, miséricordieux et tout-puissant, s’est faite au terme d’une lente évolution dans le cas du monothéisme juif, qui était au contact de cultures et d’empires polythéistes. Citant à ce propos Marcel Gauchet, l’historienne souligne la nécessité d’une « extraterritorialité » religieuse pour le peuple juif : celui-ci peut alors s’affranchir du pouvoir impérial et du « culte de souverains puissants aisément divinisés par leurs sujets ». Le Dieu unique, transcendant, devient « un souverain invisible plus puissant encore ».
Pour Martin Haug (de), et les historiens spécialisés rejoignant ses travaux, la première religion monothéiste est probablement le mazdéisme, dont le dieu Ahura Mazdâ (pehlevi : Ohrmazd) est le seul responsable de l’ordonnancement du chaos initial, le créateur du ciel et de la Terre. Le zoroastrisme, religion monothéiste encore pratiquée à ce jour, est une réforme du mazdéisme, recentrant sur le seul créateur l’attribut divin.
Monolâtrisme
L’histoire du monothéisme biblique n’est donc pas une histoire linéaire mais plutôt un processus de maturation qui est le fruit d’une somme d’influences, de traditions et d’évènements qui mèneront à l’élaboration de l’expression d’une foi monothéiste régionale originale. Le premier commandement du Décalogue sur lequel se fonde le monothéisme des juifs et des chrétiens est davantage la formulation d’un monolâtrisme, puisqu’il n’enseigne pas le néant des autres dieux, voire suppose leur existence même, ce qui n’est pas le cas de l’islam dont la chahada commence par la négation de toute forme de divinité pour ensuite affirmer la seule existence du Dieu unique.
Un premier yahvisme monôlatrique pourrait remonter à la sortie d’Égypte mais on ignore comment le dieu Yahvé devient le dieu national des deux royaumes de Juda et d’Israël. Yahvé revêt de multiples formes, fonctions et attributs : il est vénéré comme une divinité de l’orage à travers une statue bovine dans les temples de Béthel et de Samarie alors qu’à Jérusalem, il est plutôt vénéré comme un dieu de type solaire sous le nom de Yahvé-Tsebaot.
À l’époque des deux royaumes, Yahvé n’est probablement pas le seul dieu pour les Hébreux. Un poème du Deutéronome comme un passage du Livre de Michée attestent de cette forme de monolâtrie polythéiste pour laquelle chaque peuple a son propre dieu national reconnaissant les divinités des peuples voisins. On trouve ainsi une tradition monolâtrique assez similaire au judaïsme yahviste de cette période dans le royaume de Moab à travers le dieu Kamosh, comme la concurrence entre le populaire dieu Baal et Yahvé pourrait expliquer la virulence des textes vétérotestamentaires à l’encontre du premier. Le dieu national Yahvé est ainsi à considérer à l’époque de la monarchie israélite – entre le xe siècle av. J.-C. et le viie siècle av. J.-C. – comme une divinité assurant la sécurité et la fertilité à son peuple à travers le roi.
Par ailleurs, certains indices épigraphiques laissent supposer que Yahvé était peut-être honoré avec une déesse parèdre d’origine ougaritique nommée Ashéra mais sans qu’on sache avec certitude – les chercheurs en débattent encore – s’il s’agit de cette déesse ou d’un attribut, l’ashéra biblique désignant également un arbre sacré.
Vers le dieu unique
Le texte deutéronomique ne niant pas encore les autres dieux, déjà mentionné précédemment, semble avoir été écrit vers 622 av. J.-C. quand le roi Josias entend faire de Yahvé le seul dieu de Juda et empêcher qu’il soit vénéré sous différentes manifestations, comme cela semble être le cas à Samarie ou à Teman, dans l’idée de faire de Jérusalem le seul lieu saint légitime de la divinité nationale.
L’émergence du monothéisme judaïque exclusif est lié à la crise de l’Exil. En 597 av. J.-C., l’armée babylonienne défait le Royaume de Juda, l’occupe et déporte en exil à Babylone la famille royale, l’intelligentsia et les classes supérieures. Dix ans plus tard, les Babyloniens ruinent Jérusalem et détruisent son Temple. S’ensuit alors une seconde déportation qui semble cependant laisser sur place près de 85 % de la population, essentiellement rurale. C’est au sein de cette élite déportée et de sa descendance que l’on trouve la plupart des rédacteurs des textes vétérotestamentaires qui vont apporter la réponse du monothéisme au terrible choc et la profonde remise en question de la religion officielle engendrée par cette succession de catastrophes.
Non seulement, la défaite n’est pas due à l’abandon par Yahvé, mais c’est au contraire l’occasion de le présenter comme seul et unique dieu : dans les récits que les intellectuels judéens écrivent alors, la destruction de Jérusalem, loin d’être un signe de faiblesse de Yahvé, montre la puissance de celui qui a instrumentalisé les Babyloniens pour punir ses rois et son peuple qui n’ont pas respecté ses commandements. Yahvé devient dès lors, au-delà de son peuple, le maître des ennemis de Juda.
L’exil babylonien met les rédacteurs judéens en contact avec les mythes mésopotamiens dont celui de la création de l’univers (Enuma Elish) ou celui mentionnant un déluge (Atrahasis), et les premiers livres de la Genèse présentent dès lors Yahvé comme la divinité créatrice de l’entièreté de l’univers. Le nom de dieu est alors Elohim, marquant une tendance syncrétiste chez les auteurs sacerdotaux : en effet le terme peut se traduire par dieu ou dieux, suggérant que les dieux des autres peuples ne sont que des manifestations de Yahvé
L’élaboration de la doctrine juive monothéiste se fait dans un contexte plus propice à de telles idées : le roi babylonien Nabonide tente de faire du dieu lunaire Sîn le dieu unique de son empire, en Grèce, les présocratiques défendent l’unicité de la divinité contre le panthéon et les successeurs achéménides de Cyrus II le Grand, considéré lui-même comme un messie de Yahvé, influencent le monothéisme judéen en faisant d’Ahoura Mazda le dieu officiel de l’empire.
Religions abrahamiques
L’expression « religions abrahamiques » désigne les religions découlant de la révélation d’Abraham, qui a donné naissance au judaïsme. Deux millénaires plus tard (selon la chronologie traditionnelle) est né le christianisme, Jésus étant considéré par les chrétiens comme le messie attendu par les juifs. Ensuite, au viie siècle est apparu l’islam qui réfute l’idée que Jésus puisse être le fils de Dieu mais le considère comme un prophète. Le sikhisme, plus tardif, est à la limite des religions abrahamiques au sens où il s’inspire de l’islam et de l’hindouisme ; il est considéré comme un monisme et non pas comme un monothéisme. Sur le plan chronologique, l’islam est la dernière religion monothéiste apparue dans l’histoire.
Judaïsme, christianisme et islam se fondent sur les mêmes croyances, héritées et modifiées d’une religion à la suivante, traduites dans des langues différentes, hébreu, araméen, grec, latin, arabe et persan, lors de l’arrivée de messies et prophètes qui seraient choisis par Dieu pour transmettre aux hommes ses lois ou ses messages. Abraham y est « le père de tous les croyants ». Il est à la fois le père de :
Isaac, lui-même père de Jacob-Israël, à l’origine du judaïsme (développé ensuite par Moïse)
Ismaël, à l’origine de l’islam, révélé à Mahomet, prophète de Dieu.
Le christianisme est pour les chrétiens la conclusion du judaïsme, car ils reconnaissent le messie dans la personne de Jésus de Nazareth. Néanmoins, ils se détachent du judaïsme originel en considérant ce messie comme l’incarnation de Dieu. Ils concilient cette interprétation avec l’exigence de monothéisme mentionnée parmi les dix commandements grâce à la doctrine de la Trinité, selon laquelle il y a un Dieu unique en trois personnes. Les musulmans et les juifs voient dans ce concept une entorse au monothéisme.
Les monothéismes abrahamiques s’appuient sur deux livres saints : la Bible et le Coran. Le Tanakh (la Bible hébraïque) est reconnu par les trois monothéismes (mais avec d’importantes différences pour l’islam), le Nouveau Testament par le christianisme et l’islam (là encore, avec des différences importantes), et le Coran par l’islam seul. Les musulmans estiment qu’il a existé une Torah et un Évangile originels enseignant l’unicité absolue de Dieu (tawhid) dans les termes du Coran, c’est-à-dire que Dieu (Allah) est unique, que nul ne lui est égal ; et les croyants y sont les serviteurs de Dieu.
…
Sources païennes
Croire qu’il n’y a qu’un seul dieu est croire qu’il existe une vérité universelle et éternelle engendrée par ce dieu. Si on considère les références païennes acceptées par les monothéistes, l’école platonicienne (voir Platon et l’influence du Zoroastrisme) ainsi que l’aristotélisme sont les deux philosophies antiques compatibles avec le monothéisme. Elles affirment l’existence d’idées universellement et éternellement vraies, à la différence de la pensée antérieure, la sophistique, pour qui « l’homme est la mesure de toute chose » Protagoras dans toute sa relativité. À ce titre, les œuvres de ces philosophes échapperont à la destruction systématique de la pensée païenne par les monothéistes chrétiens. Plotin, philosophe romain, fonde le «néoplatonisme» qui influence durablement l’histoire des monothéismes par sa réflexion sur la pensée de l’unité, de l' »un ».
Le Paganisme est un ensemble de religions polythéistes fondé sur la mythologie et les croyances locales, il n’a pas de visée universaliste, n’a pas de préoccupation unitaire, pas de texte sacré, même s’il se rattache à des cosmologies créationnistes, le paganisme admet l’éternité de l’univers qui préexiste à la création du monde que nous connaissons. Le paganisme a connu une évolution qui converge vers celle du monothéisme. Alexandre le Grand marque une étape importante en faisant rendre un culte égal aux Dieux et à des humains, pratique qui sera généralisée sous l’empire romain, en introduisant les statues de mortels dans le temple de Zeus, en implantant une communauté juive à Alexandrie où Démétrios de Phalère fait traduire en grec la bible Septante. Après lui, Paul de Tarse qui connait la bible à travers cette traduction grecque, sa langue, sera un acteur important du glissement du monothéisme vers une religion universelle, perspective que n’a pas le monothéisme hébraïque. Les paganismes rencontrés par les monothéismes lors de leur expansion était également non cléricaux et non dogmatiques, ce qui ne les prédisposaient pas à résister au prosélytisme des monothéismes chrétiens et islamistes.
Le Paganisme est également un ensemble de rites dans lequel puisent les monothéismes. Parmi ceux-ci l’idolâtrie, culte des idoles et/ou des astres, qui engendre de durables controverses chez les monothéistes chrétiens, qui en admettent la pratique, notamment quand ce monothéisme devient religion officielle de l’Empire romain, alors que le judaïsme et l’islam proscrivent l’idolâtrie. L’idolâtrie chrétienne est incompatible avec l’idolâtrie polythéiste, la législation intolérante de Théodose Ier, sera suivie par la destruction complète et le pillage des lieux de culte païens. Ainsi disparaitront presque toutes les œuvres d’art païennes, souvent inestimables, destructions qui se reproduiront dans le monde après les grandes découvertes.
Selon de nombreux auteurs le Culte de Mithra, religion qui connut un succès du temps de l’Empire romain, a influencé le monothéisme chrétien (rituel de l’eucharistie, agape de pain et de vin, rituels initiatiques et hiérarchiques, exclusion des femmes, etc.). Federico Zeri prétend que le Mithraïsme aurait pu devenir ce qu’est le christianisme et rapporte un auteur selon lequel la chapelle Sixtine est construite au-dessus d’un temple de Mithra. Quoi qu’il en soit le mithraïsme fut interdit en 391.