Courants islamiques et mouvances islamistes radicales

Note préliminaire

L’islamisme est un courant de pensée musulman, essentiellement politique, apparu au xxe siècle. L’usage du terme depuis sa réapparition dans la langue française à la fin des années 1970 a beaucoup évolué. Il peut s’agir par exemple, du « choix conscient de la doctrine musulmane comme guide pour l’action politique » – dans une acception que ne récusent pas certains islamistes –, ou encore, selon d’autres, une « idéologie manipulant l’islam en vue d’un projet politique : transformer le système politique et social d’un État en faisant de la charia, dont l’interprétation univoque est imposée à l’ensemble de la société, l’unique source du droit ». C’est ainsi un terme d’usage controversé.

Pour l’islamologue Bruno Étienne, l’acception actuelle du mot, qu’il est également possible d’appeler « islamisme radical », peut se résumer comme l’« utilisation politique de thèmes musulmans mobilisés en réaction à l’« occidentalisation » considérée comme agressive à l’égard de l’identité arabo-musulmane », cette réaction étant « perçue comme une protestation antimoderne » par ceux qui ne suivent pas cette idéologie.

L’Islam et ses courants

La grande majorité des musulmans se veulent fidèles au mode de vie de la Sunna de Muhammad. Ce sont les Sunnites (85% du monde musulman). En grande majorité, les musulmans de Belgique sont Sunnites.
L’autre groupe, les Chiites, qui se rattachent à Ali, neveu et gendre de Muhammad, se trouvent surtout en Iran, en Iraq, au Liban et au Pakistan.

Depuis quelques années l’islamisme a fait son apparition. Pour certains il s’agit d’un courant récent dû aux frustrations sociales, économiques et culturelles ; ils disent que cet islamisme disparaîtra de lui-même. Pour d’autres, il s’agit d’individus, de militants, qui influencent les jeunes et les gens frustrés.

On peut distinguer 5 courants dans l’Islam :

  • L’islam populaire avec ses traditions et pratiques rituelles est un islam de la convivialité. Les familles marocaines immigrées en Belgique appartiennent à cet islam.
  • Le soufisme, un humanisme et un style de vie entièrement tourné vers la spiritualité. Il fascine le monde occidental et suscite des conversions.
  • L’islam laïcisant (moderne) : des intellectuels réformateurs revisitent le Coran et d’autres textes fondateurs pour un Islam moderne. Ils proposent une critique historique et font une analyse littéraire (l’Hijtihab). En général, ils résident à l’étranger (en Europe, en Amérique)
  • L’islam conventionnel qui est souvent l’islam « officiel » des régimes politiques (Arabie Saoudite, Etats pétroliers du Golfe, Iran…). L’influence des wahhabites, courant fermé à la modernité, s’y fait sentir douloureusement. Cet islam dispose d’un important réseau bancaire et financier. Ils aident à construire des mosquées dans le tiers monde.
  • L’islam politique (l’islamisme) avec ses deux tendances légaliste et radicale violente qui toutes deux font appel au djihad et au martyr.
    • L’islamisme légaliste : est présent à tous les niveaux (armée, police, médias, administration …) et sa popularité est grande. Il présente des partis politiques aux élections et essaie de former un Etat dans l’ Etat. Ce sont par exemple les Frères Musulmans, le FIS en Algérie, le Refah en Turquie, le Hezbollah en Palestine, la Ligue Arabe Européenne d’Abou Jahjah, l’organisation « Foi et Pratique » en Europe.
    • L’islamisme fondamentaliste et révolutionnaire : cherche à promouvoir un Etat musulman par la violence et le terrorisme. Par exemple le GIA en Algérie, les Talibans en Afghanistan, Al Qaida, le Hamas au Liban, l’Ayatollah Khomeiny en Iran, l’organisation « Parti de la Libération » basée à Londres.

Histoire de l’islamisme contemporain

Certains analystes considèrent que les Frères musulmans, groupe fondé par Hassan el Banna en 1928, seraient à l’origine de l’islamisme. Cette confrérie est le premier mouvement à entrer sur la scène politique pour réclamer l’application de la charia, la loi islamique, dans un premier temps en opposition à l’occupation britannique en Égypte.

Au début des années 1960, Sayyid Qutb, théoricien des Frères musulmans, introduit les notions de rupture par rapport à la société impie et de reconquête. C’est dans ces écrits, surtout dans son texte « Fî zilâl al-qur’ân » (en) (À l’ombre du Coran), que certains groupes islamistes trouvent la justification théorique de l’usage de la violence pour islamiser les sociétés moyen-orientales.

À partir de la fin des années 1960, s’accumulent des faits historiques, idéologiques, économiques et sociaux qui peuvent expliquer le développement de l’islamisme :

  • La défaite des pays arabes contre Israël, lors de la Guerre des Six Jours, marque la fin de l’idéologie nationaliste arabe et de l’influence de Nasser dans le monde arabe et l’affirmation de l’Arabie saoudite salafiste ;
  • Les années 1970 se caractérisent dans de nombreux pays de l’espace musulman par une libéralisation économique auquel il est reproché de porter atteinte à l’aide sociale, aux services publics et, plus globalement, d’accroître les inégalités de niveau de vie ;
  • Les dirigeants des principaux pays perdent ainsi la légitimité historique (perte due à la décolonisation), la légitimité idéologique, la légitimité économique. On peut concevoir la mouvance islamique comme un mouvement d’opposition politique dans un contexte souvent non démocratique ;
  • La hausse des cours du pétrole à partir des années 1970 favorise les gouvernements de certains États (Arabie saoudite puis Iran en particulier), qui peuvent financer l’islamisme pour étendre leur sphère d’influence sur d’autres États (qui peuvent à leur tour adopter des doctrines islamistes pour résister à la pression) ;
  • La guerre indo-pakistanaise de 1971 conduit les militaires pakistanais, soutenus par l’Arabie saoudite, à encourager la propagande islamiste sunnite. Cette tendance se renforce après l’invasion soviétique de l’Afghanistan en 1979.
  • La révolution islamique, en Iran, de 1979, entraînant l’instauration de la république islamique montre la capacité mobilisatrice de l’islamisme ce qui conforte les islamistes dans leur espoir et inquiète en Occident.
  • La guerre civile libanaise, plus politique que religieuse à l’origine, va aussi devenir un foyer d’activité islamiste.
  • La décennie noire en Algérie oppose, à partir de 1991, le gouvernement algérien et divers groupes islamistes intégristes qui attaquent au début l’armée et la police, puis les civils.

Les décennies suivantes sont marquées par des actes terroristes spectaculaires. Il ne faut cependant pas oublier qu’ils sont l’œuvre de groupes minoritaires, souvent condamnés par des mouvements islamistes dits « modérés ».

Les islamistes sont arrivés au pouvoir, souvent par les urnes, dans plusieurs pays du monde musulman: Soudan (1989- ), Palestine (2006-2007), Tunisie (2011-2014), Égypte (2012-2013).